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Le prestige français

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La Liberté ÉDITO

Par Bernard Bocquel

la-liberte@la-liberte.mb.ca

Dans l’histoire de l’Alliance française du Manitoba, une parmi un bon millier à travers le monde, le 29 octobre 2015 restera le jour où l’organisation aura marqué par un gala une étape hautement symbolique : la célébration de son centenaire.

Est francophile la personne qui aime la France, qui est (on peut l’imaginer) tombée sous le charme de ses paysages, de son histoire, voire des grands mythes qui entourent la patrie des droits de l’Homme, de Baudelaire, Verlaine, Brigitte Bardot, Georges Brassens ou Gérard Depardieu, pour ne s’en tenir qu’à un très modeste éventail du rayonnement culturel français.

Francophile était sans doute l’Anglo-Québécois William Frederick Osborne, le premier directeur du Département de français de l’Université du Manitoba qui fonda, le 29 octobre 1915, l’Alliance française du Manitoba. Monsieur le professeur réunit autour de son projet culturel des anglophones, des Métis, des Canadiens français et des immigrants français. À infime échelle, son initiative s’est retrouvée dans l’esprit des volontés d’ouverture manifestées lors des récents cafés citoyens.

Francophile était peut-être aussi Robert Stirton Thornton, le ministre de l’Instruction publique qui accepta, le 22 novembre 1915, de conférer un lustre supplémentaire à la conférence inaugurale de l’Alliance française en l’honorant de sa présence. Il se pourrait cependant que la francophilie enthousiaste de Thornton, nommé membre honoraire, n’était que purement circonstancielle. Car l’Empire britannique était alors allié à la France dans la Première Guerre mondiale.

Thornton était peut-être francophile, mais certainement anticatholique et anti canadien-français. À preuve, la loi qui rendit illégal l’enseignement en français au Manitoba en 1916 porte son nom. Pour La Liberté, cette loi était « anti-française ». La précision est d’importance. À cette époque, et jusque dans les années 1960-1970, l’adjectif « français » n’était pas synonyme de « français de France ». Peu à peu les perceptions ont évolué et depuis une bonne vingtaine d’années, « français » est remplacé par « francophone ». Ainsi il n’est plus question d’écoles françaises, mais d’écoles francophones ou franco-manitobaines.

Ce glissement dans le sens accordé à l’adjectif « français » donne ainsi un relief particulier à l’Alliance française, dont le rôle premier est bien d’encourager le rayonnement de la langue française et, en principe, de la culture française. Cependant, modernité oblige, les responsables actuels de l’Alliance française du Manitoba reconnaissent l’évolution sémantique qui a eu lieu. Qui plus est, ils ont une conscience aiguë du rôle formidable que leur organisation peut jouer. En effet, grâce à l’énorme réseau de contacts internationaux auxquels elle a accès, l’Alliance française du Manitoba est bien positionnée pour mettre en relation des artistes de différents espaces culturels parlant le français.

Huguette Le Gall, l’actuelle présidente (depuis 2010), souligne avecenthousiasme cette vocation de l’organisation : « Dans nos projets culturels, nous aimons vraiment servir de lien entre des artistes francophones du Manitoba, comme Gérald Laroche, Colette Balcaen ou Bertrand Nayet par exemple, et des artistes d’autres cultures. Je pense aussi à AFRI’K, tenu en 2009 et 2010, le premier festival des arts africains. L’Alliance française du Manitoba s’attache plus que jamais à être un promoteur actif et convaincu, comme le montre la programmation du centenaire, auprès d’un public francophone, anglophone et allophone. Une telle vision nous permet de faire valoir l’apport de l’Alliance française au développement de la francophonie ou, si l’on veut, des francophonies au Manitoba. »

Si l’organisation centenaire est en mesure de participer aussi activement à consolider l’ouverture du Manitoba sur le monde par le biais de la langue française, c’est parce qu’au tout début des 1980, le groupe de bénévoles responsables des destinées manitobaines de l’Alliance française a cherché à professionnaliser l’organisation. Huguette Le Gall était alors la secrétaire du conseil d’administration formé de Béatrice Gréban de Saint-Germain, Connie Brown, Bernadette Bollman, Martine Wilk et Jean-Luc Chokiewicz.

Ces initiateurs, et leurs successeurs, avec l’appui indispensable du consul de France Louis Vanini et de l’attaché culturel René Luquet, ont réussi à transformer une association de francophiles et de francophones bien intentionnés en une structure capable de devenir un réel acteur du fait français dans la Province du Milieu. L’arrivée en 1984 du premier directeur payé par la France, Michel Mercadié, a constitué un tournant remarquable, en permettant à l’Alliance française du Manitoba de faire partie des Alliances ayant une triple vocation : école de langue, producteur culturel et fournisseur de ressources en français.

Bertrand Dufieux, Nelly Sadoun, Jean-Jacques Thézard, Michel Desprez, Carole Brunie, Emmanuel Bottiau, et maintenant Alan Nobili, tous les successeurs du premier directeur, nommés par le gouvernement français, ont aussi eu à coeur de faire preuve d’ouverture à l’égard de tous les Manitobains, incarnant à leur manière la meilleure part de l’esprit français, celle à même d’assurer son prestige, celle à laquelle William Frederick Osborne avait été si sensible.

 

 


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